Liberté de la presse à l’ère du digital : les réflexions d’Elisabeth APAMPA

Article : Liberté de la presse à l’ère du digital : les réflexions d’Elisabeth APAMPA
Crédit: Elisabeth APAMPA
3 mai 2023

Liberté de la presse à l’ère du digital : les réflexions d’Elisabeth APAMPA

Femme de média, animatrice, journaliste, présidente de l’association des femmes professionnelles de média et ancienne cheffe de programme de Zéphyr FM, Elisabeth APAMPA se prête aimablement à une interview en la célébration de la journée mondiale dédiée à la presse.

Face aux défis multiformes que pose la digitalisation de la presse, elle nous dévoile sa vision avisée sur les obstacles entravant les femmes du secteur et sur les perspectives d’action envisageables pour promouvoir cette liberté indispensable dans notre pays, de même que des réflexions singulières et pertinentes qui ont jalonné sa carrière. Pour les amoureux de la presse libre et pour tous ceux qui aspirent à œuvrer pour la défense de cette liberté fondamentale, cette entrevue promet d’être un moment d’exception.

Propos recueillis par Gilles LAWSON

En votre qualité de femme dans un secteur traditionnellement masculin, quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées dans votre parcours pour atteindre la position prestigieuse de cheffe de programme de Zephyr FM ?

E.A : Tout d’abord, être cheffe de programme d’une radio est un poste de responsabilité important qui implique de diriger l’ensemble des programmes diffusés sur la radio. C’est un travail qui demande beaucoup de temps, des compétences en matière de planification, de coordination, de gestion d’équipe et surtout d’être force de proposition. Je travaille plusieurs années à Zéphyr en tant qu’animatrice, sept ans en tant que cheffe d’antenne et des programmes.

Elisabeth APAMPA
Crédit : Elisabeth APAMPA

Même si actuellement mes ambitions sont montées à l’échelle supérieure pour donner des opportunités à ceux que nous avons formés et pour me tourner vers de nouveaux défis dans les médias que vous découvrirez bientôt. Pour moi, ce n’était pas un prestige, mais plutôt un engagement, une volonté de contribuer au succès de la radio.

Concernant les difficultés, personnellement pour gérer ce poste, je suis passée de stagiaire à journaliste reporter, animatrice de plusieurs programmes, responsable et pilote des projets de la radio tels que VIVA HOLIDAYS, chargée de communication des ALL MUSIC AWARDS et cheffe d’antenne et des programmes. À chaque étape, je prenais mon cahier de charges au sérieux et je suis personnellement une personne très créative qui bouillonne d’idées et je suis très sensible à l’épanouissement de l’équipe pour que le tout fonctionne.

Au début, étant une femme, j’ai dû faire face à des préjugés et à des stéréotypes négatifs sur les capacités des femmes à ce poste sur la durée. J’ai dû gérer des situations de sexisme et d’harcèlement. Cependant, connaissant mon potentiel, j’ai tenu bon et j’ai persévéré en restant concentrée sur mes objectifs, en travaillant dur et en étant surtout innovante.

La radio est un univers en constante évolution, donc on ne finit jamais d’apprendre. On s’assure d’être réellement passionné, on travaille sa culture générale, on reste curieux et on écoute beaucoup les auditrices et auditeurs, nos premiers juges, tout en gardant l’humilité à vie.

Comment pensez-vous que la digitalisation de la presse a impacté le paysage médiatique togolais en général et les femmes journalistes en particulier ?

E.A : Je considère que les nouvelles technologies ont apporté beaucoup de positivité, étant moi-même très active sur le digital. La digitalisation de la presse a eu un impact considérable sur le paysage médiatique togolais en général, et sur les femmes journalistes en particulier. D’un côté, cela a permis aux médias de toucher un public plus large et d’offrir des contenus plus variés. Les plateformes de médias sociaux ont également ouvert de nouvelles voies pour la diffusion de l’information en temps réel.

Cela a créé de nouvelles opportunités pour les femmes journalistes, animatrices et créatrices de contenus pour s’exprimer, se faire entendre, et publier des reportages qui n’auraient peut-être pas été acceptés dans les médias traditionnels. La digitalisation de la presse a également engendré de nouveaux défis pour l’ensemble de la chaîne médiatique, notamment en termes de renforcement des capacités pour rester dans les tendances. Les femmes journalistes doivent faire face à des défis au quotidien tels que la protection de la vie privée et la sécurité en ligne, car elles sont souvent la cible de harcèlement en ligne.

Il faut aussi préciser que les personnes qui n’ont pas relevé leur niveau en intégrant des connaissances numériques dans leur façon de travailler ont perdu leur audience. Actuellement, nous assistons à la création de plusieurs médias en ligne et ce n’est que le début. Les médias traditionnels doivent rapidement prendre au sérieux la demande de cette génération et soutenir leur matériel pour pouvoir fournir des podcasts, filmer les émissions, car la radio est devenue une télévision grâce au numérique, et permettre aux gens d’écouter partout dans le monde grâce aux applications et aux sites en ligne.

Point important aussi c’est de surveiller attentivement l’impact de la présence des réseaux sociaux, surtout avec l’intelligence artificielle aujourd’hui car elle peut entraîner une désinformation accrue, qui peut affecter négativement la qualité de l’information diffusée. Donc au-delà des avantages, il y a ce volet inconvénient à prendre en compte. Pour faire face à ces nouveaux défis, les journalistes, en particulier les femmes, doivent se former à l’utilisation des outils numériques.

Dans les médias traditionnels, qu’elles soient encouragées à s’intéresser ou à comprendre les avantages de ces outils, et qu’elles soient soutenues dans leur travail par des associations professionnelles et des réseaux.

Quels sont les principaux défis auxquels les femmes journalistes togolaises sont confrontées dans l’exercice de leur profession, et comment ces défis peuvent-ils être surmontés ?

E.A : Les femmes journalistes au Togo sont confrontées à de nombreux défis qui peuvent les décourager de poursuivre une carrière dans les médias. Les stéréotypes de genre persistent dans le domaine, ainsi que les barrières à l’avancement professionnel, le manque de représentation dans les postes de décision. Les femmes journalistes font également face à des discriminations en termes de salaires, de promotions, d’opportunités de formation, ainsi qu’à des commentaires déplacés, des gestes inappropriés et des tentatives d’agression sexuelle lors de reportages et d’interviews.

Crédit : Elisabeth A.

Pour surmonter ces défis, il est essentiel de renforcer les capacités des femmes journalistes avec des opportunités locales et internationales. Les femmes journalistes ont besoin d’être soutenues par des associations professionnelles et des réseaux, ainsi que par des collègues masculins qui les respectent et les traitent sur un pied d’égalité. Aujourd’hui il important de sensibiliser sur ces problématiques afin de créer un environnement de travail plus favorable pour les femmes journalistes.

Maintenant les femmes, elles – mêmes doivent s’intéresser aux métiers techniques du secteur pour une meilleure représentativité, promouvoir plus de femmes qui s’intéressent aux thématiques sportives, politiques, économiques.

L’Association des Femmes Professionnelles des Médias du Togo (AFPM-Togo) a été récemment lancée au TOGO pour créer des espaces de rencontres pour favoriser le réseautage entre femmes dans les médias, renforcer les capacités et sensibiliser sur des sujets qui les concernent. Les femmes des médias plus jeunes ont besoin du soutien des aînées et d’une oreille attentive pour faire face aux défis qu’elles rencontrent dans le domaine.

Comment les médias peuvent-ils promouvoir la liberté de la presse pour le plus grand bien de tous les citoyens, et en particulier des femmes ?

E.A : Les médias jouent un rôle crucial dans la promotion de la liberté de la presse, en veillant à ce que leur couverture journalistique soit impartiale et indépendante, sans subir de pressions politiques ou économiques. Encourager la diversité des voix et des points de vue, y compris ceux des femmes.

Les femmes ont souvent été sous-représentées dans les médias, donc il est important de valoriser les femmes aux postes techniques et de promouvoir l’égalité des genres en ne négligeant pas la valeur de la compétence. Les médias doivent également mener des enquêtes approfondies sur les violations des droits de l’homme, l’éducation des filles, l’autonomisation économique des femmes dans les 5 régions du TOGO et autres sujets d’actualité pour garantir une information fiable aux citoyens.

Aller sur le terrain, questionner la communauté (femmes hommes jeunes enfants), connaitre les craintes, sensibiliser et éduquer ; briser le silence sur l’importance de la liberté de la presse et de la nécessité de préserver un environnement où les journalistes peuvent travailler en toute sécurité et sans crainte de représailles.

De façon pratique : organiser des forums publics, des débats et des émissions de radio ou de télévision pour discuter de ces questions et encourager la participation du public.

Quelles actions concrètes les gouvernements, les organisations de presse et la société civile peuvent-ils entreprendre pour renforcer la liberté de la presse et l’égalité des sexes dans le secteur de la presse togolaise et en Afrique en général ?

E.A : À mon humble avis, pour renforcer la liberté de la presse et l’égalité des sexes dans le secteur de la presse togolaise et en Afrique en général, il est primordial de mettre en place et d’appliquer des politiques, des lois qui protègent les journalistes et les organisations de presse. Discuter, renforcer les capacités des journalistes, en particulier les femmes journalistes, afin qu’elles/ils puissent faire face aux défis de la profession.

Urgent de promouvoir la diversité dans les médias en encourageant la participation des femmes en valorisant leurs points de vue et en les représentants de manière équilibrée. Les organisations de presse et la société civile peuvent travailler ensemble pour la mise en place de mécanismes de protection pour les journalistes et pour sensibiliser le public. Cela peut être réalisé par l’organisation de débats publics, de campagnes de sensibilisation, d’ateliers de formation et en utilisant les médias sociaux pour attirer l’attention sur ces questions.

Toutes les parties prenantes ont un rôle important à jouer en travaillant ensemble avec honnêteté et sincérité pour atteindre ces objectifs. La collaboration et la coopération sont la clé pour renforcer la liberté de la presse et l’égalité des sexes dans le secteur de la presse togolaise et en Afrique en général.

D’ailleurs l’association des femmes professionnelles des médias pour ce 03 mai qui représente la journée mondiale de la liberté de la presse, organise un live et une campagne digitale sur le thème : « La liberté d’expression dans les médias : nos craintes« .

Un mot de fin

E.A : J’espère que mes réponses ont été utiles. La liberté de la presse et l’égalité des sexes dans les médias sont des enjeux importants pour une société libre et démocratique. Il est essentiel de continuer à promouvoir ces valeurs et de travailler ensemble pour garantir un environnement dans lequel les journalistes peuvent travailler en toute sécurité et sans crainte de représailles.

Courte Biographie

Reconnue comme un talent aux multiples casquettes, Apampa Elisabeth est une femme de media (Journaliste reporter, animatrice Radio et TV). Entrepreneure, productrice de contenus, consultante et personnalité spécialisée dans les médias, les industries culturelles et créatives, le marketing créatif et le social.

Depuis 2012, sur le plan social, elle s’engage sur les sujets DROITS HUMAINS avec un focus jeunesse, femmes. L’éducation des filles et l’autonomisation des femmes des thématiques très défendue dans ces actions.

Elle est la présidente de IYAWO, une organisation féminine et de jeunesse. Elle est aussi la présidente de l’Association des Femmes Professionnelles des Media du TOGO (AFPM-TOGO). Membre fondatrice du CONSEIL DE DIALOGUE ET DE PARTENARIAT Togo-France.

En 2020, elle a fondé EA DREAMS une agence évènementielle et de communication. Ambassadrice de marque et influenceuse pour plusieurs marques et institutions du TOGO et d’ailleurs. Elle a reçu de nombreuses distinctions dans les médias, aussi pour son engagement pour les arts et la culture, la valorisation des artistes, et comme une jeune femme leader d’impact au TOGO.

En 2022, elle a été classée parmi les 5 meilleurs jeunes entrepreneurs togolais de l’année et parmi les 60 femmes influentes dans le développement durable et la promotion de l’égalité des genres et de la sororité publiée par les experts internationaux de Donors of Africa.

Elle figure également parmi les 60 femmes influentes dans les médias d’Afrique, selon la liste publiée par Ladies in Media, et a été désignée « Femme d’Influence au Togo » par UNFPA Togo et au SOMMET NATIONAL DE LEADERSHIP FEMININ TOGO.

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