Kayi DOGBE : « La femme détient un pouvoir insoupçonné, dont elle n’a pas pleinement conscience »

Article : Kayi DOGBE : « La femme détient un pouvoir insoupçonné, dont elle n’a pas pleinement conscience »
Crédit: Kayi DOGBE
25 juin 2023

Kayi DOGBE : « La femme détient un pouvoir insoupçonné, dont elle n’a pas pleinement conscience »

Dans une entrevue exclusive accordée à Africa 24, Madame Kayi DOGBE déclare son combat pour l’équité entre les genres, son engagement en faveur de l’autonomisation des femmes et ses réflexions inspirantes sur la conciliation vie professionnelle-familiale. Une voix influente qui met en lumière le pouvoir inestimable des femmes dans la société.

Kayi Dogbe est une figure engagée au service des plus vulnérables, dévouée aux droits, à l’autonomisation et à l’épanouissement de la femme. Polyvalente chevronnée, elle totalise plus de 27 ans d’expérience dans des domaines variés dont une quinzaine dans le système onusien. Cette solide expérience a sculpté son leadership et enflammé sa passion pour la transmission de connaissances d’excellence, une qualité qu’elle met aujourd’hui au service de sa communauté et de KD Group, une entreprise de conseil et de stratégie pluridisciplinaire qu’elle dirige avec brio. Le groupe abrite trois sociétés dédiées à la promotion de l’entrepreneuriat, au conseil juridique, à la gouvernance démocratique et politique, à la formation sur mesure pour les entreprises, à la gestion de projets, ainsi qu’à la promotion entrepreneuriale, culturelle et événementielle.

En plus de son rôle d’enseignante à l’Université de Lomé, où elle transmet son expertise en gestion administrative d’entreprise, notamment en assistance managériale et en communication orale, incluant la prise de parole en public, Kayi Dogbe est une conférencière sollicitée régulièrement sur des sujets tels que le leadership, le développement personnel, la communication non violente, la prévention et la gestion des conflits, ainsi que l’étiquette sociale des jeunes filles. Femme de foi, imprégnée des valeurs chrétiennes, elle préside l’Association Femmes Chrétiennes Unies dans l’Action.

Son engagement dans la lutte contre la propagation de la Covid-19 lui a valu des honneurs, tout comme ses nombreuses autres distinctions reçues dans plusieurs pays de la sous-région, dont le titre de Femme d’influence de l’année 2021 lors du Sommet National du Leadership Féminin, celui de Meilleure femme leader de l’année 2021 décerné par Togo Top Impact, ainsi que celui de Femme Impactante au Gala des Femmes Impactantes. Elle a également été honorée en Côte d’Ivoire, où elle a reçu un prix d’honneur au PRIMUD pour sa contribution au rayonnement des industries culturelles et créatives, et au Burkina Faso pour sa culture de l’excellence au service de la jeunesse. Kayi Dogbe est également lauréate du prestigieux Grand Prix Général Mathieu Kerekou de Meilleure actrice du développement en 2022, et a reçu le Prix spécial Talent et Compétence lors du Festival International des Compétences et Talents de la Femme 2023, tenu en Côte d’Ivoire.

Chaque année, elle accompagne l’excellence des jeunes filles togolaises à travers le concours Joutes Verbales Francophones, où elle offre un trophée spécial éponyme en reconnaissance de l’excellence féminine. Titulaire d’un Master II en Droit Public et d’un Master II en gestion de projets, Kayi Dogbe est actuellement doctorante en Droit Public. Mariée et mère de deux enfants, sa passion pour l’art et la culture la pousse à soutenir activement de nombreuses actions sociales et événements culturels, notamment dans les domaines de la mode, de la littérature, de la musique, de la peinture et de la photographie, qui symbolisent les valeurs et les richesses culturelles de son pays.

En qualité de citoyenne exemplaire et enseignante dévouée, Kayi DOGBE s’évertue avec passion à prévenir les conflits, à défendre les droits des femmes et à promouvoir le leadership féminin. Son soutien inébranlable envers l’autonomisation et l’épanouissement des femmes, ainsi que son investissement indéfectible dans l’éducation et l’entrepreneuriat des jeunes, font rayonner l’espoir au sein de la nation togolaise.


Les femmes détiennent un immense pouvoir dans la société

  • Les femmes n’ont pas eu l’occasion de réaliser leur pouvoir
  • Les femmes sont l’épine dorsale de l’économie africaine et portent l’humanité sur leurs épaules

Kayi DOGBE : Pour ma part, il m’arrive souvent de méditer sur la possibilité que Dieu soit une entité féminine, car la femme détient un pouvoir insoupçonné, dont elle n’a pas pleinement conscience. C’est pourquoi il est aujourd’hui question de briser les chaînes de l’inégalité et de promouvoir l’équité entre les genres, car la femme n’a pas eu l’opportunité de prendre conscience de la puissance qu’elle détient au sein de la société. En tant qu’africaine, en tant que togolaise, je crois profondément que la femme est l’épine dorsale de l’économie africaine. Elle constitue le pilier du foyer. Notre entreprise commence déjà au sein de nos foyers, où nous endossons de multiples rôles : nous sommes infirmières, cuisinières, gouvernantes, blanchisseuses, et même avocates, arbitres et premières éducatrices de nos enfants. Ainsi, la femme porte en elle l’humanité tout entière, elle porte sur ses épaules le fardeau de ce monde dans lequel nous vivons. Il est donc grand temps que la femme retrouve sa place de prédilection afin que le monde puisse s’épanouir.

Concilier travail et famille peut être difficile

  • La vie professionnelle peut présenter des choix difficiles
  • Privilégier la famille au travail est une option valable

Kayi DOGBE : Dans mon parcours professionnel, j’ai dû faire face à deux choix cruciaux. Lorsque j’ai postulé pour mon poste au PNUD, j’ai été confrontée à un dilemme déchirant : emmener ma fille à l’hôpital et rester à ses côtés ou me rendre à mon entretien de recrutement. Juste avant de me rendre à l’épreuve, ma fille est rentrée chez moi après un accident domestique, la bouche en sang et la gencive abîmée. J’ai pris une décision rapide : j’ai placé ma fille dans la voiture avec sa nounou, les ai déposées chez le dentiste et ai dit au praticien : « Occupez-vous d’elle. Quand vous aurez terminé, laissez-la ici. J’ai des tests à passer ». J’ai couru pour passer mon épreuve et suis revenue les chercher par la suite. J’aurais pu choisir de rester auprès d’elles, d’appeler pour expliquer la situation familiale et justifier mon absence, mais j’ai été contrainte de faire un choix difficile.

Leçons d’endurance, de résilience et de courage pour l’entrepreneuriat féminin en Afrique

  • Choisir de travailler dur après les funérailles de sa mère a enseigné des choix décisifs dans la vie
  • Pour réussir, il faut mettre les émotions de côté et se tourner vers l’avenir

Kayi DOGBE : De manière surprenante, j’ai passé mon entretien la veille des funérailles de ma mère. On m’attendait à la morgue pour participer au rituel de lavage de sa dépouille. Dans nos traditions africaines, c’est à la fille aînée qu’incombe la tâche d’accomplir ce geste rituel avant que les professionnels ne prennent le relais. Ma grande sœur étant aux États-Unis, c’est donc à moi, en tant que fille aînée de substitution, que revenait cette responsabilité. Tout le monde me disait « Appelle-les, dis-leur que tu es en deuil et que tu ne peux pas venir, peut-être pourraient-ils reprogrammer l’entretien ». J’ai pris un moment pour réfléchir et j’ai finalement déclaré : « La vie doit continuer », et ma mère serait heureuse de me voir persévérer dans mes efforts. J’ai donc accepté de me rendre à l’entretien, qui s’est déroulé avec succès, et dès le retour des funérailles de ma mère, j’ai commencé à travailler pour le PNUD. Ainsi, dans la vie, nos choix sont déterminants. Dans les deux situations, j’aurais pu opter pour la voie de la famille en disant non, en invoquant mes contraintes, mais j’ai également nourri le désir de réussir. Ce fut une leçon marquante pour moi, une leçon d’endurance, de résilience et de courage, où il fallait mettre de côté les émotions et foncer vers l’avenir.

L’importance de concilier vie personnelle et vie professionnelle

  • La gestion de la famille et du travail peut être difficile
  • Prendre des pauses et passer du temps de qualité avec la famille est crucial

Kayi DOGBE : Nous sommes pleinement conscients des contraintes familiales et des entraves traditionnelles qui constituent de véritables freins à l’épanouissement et à l’essor de l’entrepreneuriat féminin en Afrique. Néanmoins, lorsque la volonté farouche, l’audace intrépide et la flamme intérieure d’une lionne s’embrasent, nul obstacle ne paraît insurmontable. Certes, le chemin tracé n’est guère sans effriter quelques œufs, parfois au détriment des dîners à préparer lors de soirées échevelées. Toutefois, une conciliation éclairée s’érige en fonction du compagnon, de l’époux, du confident choisi, ainsi qu’en fonction des préceptes transmis à la progéniture. Si bien que l’équilibre se dessine subtilement. Inutile de le dissimuler, ce parcours n’est point dépourvu d’embûches, car il advient que nos pérégrinations nous emportent au loin, abandonnant la gouverne à un majordome ou à une domestique, mais il arrive que mon enfant m’interpelle, délicatement : « Maman, cela fait tant de lunes que nous n’avons point flâné ensemble, que nous n’avons point partagé nos échanges féconds ». À cet instant précieux, je m’accorde une pause, je leur prête une oreille attentive et nous nous accordons une escapade en un congé hebdomadaire choisi avec soin.

Les femmes ont besoin de formation et de sensibilisation sur leurs droits fondamentaux

  • L’accès à l’éducation et à la connaissance du cadre juridique fait défaut
  • Donner aux femmes les moyens de se lever et de revendiquer leurs droits est crucial

Kayi DOGBE : D’emblée, j’aborderai la question de la formation à tous les échelons, aussi bien dans les contrées urbaines que dans les contrées rurales, car il est manifeste aujourd’hui que les disparités dans les régions rurales sont flagrantes. Bon nombre de nos mères villageoises n’ont pas eu accès à l’instruction scolaire, demeurant ainsi étrangères à leurs droits les plus fondamentaux. Par méconnaissance, elles demeurent également ignorantes quant au cadre juridique régissant l’entrepreneuriat, exposées par conséquent à de perpétuelles brimades. Il est donc impératif de dispenser une formation adéquate, d’assurer une information pertinente et de susciter une prise de conscience concernant nos droits élémentaires à tous les niveaux, afin que chaque femme soit galvanisée. Dès lors que nous acquérons la connaissance de nos droits, que nous ne sommes plus dans l’ignorance, nous sommes en mesure de nous dresser et de revendiquer ce qui nous est dû. C’est là l’abc nécessaire.

Les enfants devraient acquérir des compétences de vie au-delà du jeu

  • Les garçons et les filles devraient apprendre à cuisiner et à faire des corvées
  • L’apprentissage précoce des compétences de vie peut aider à régler les injustices

Kayi DOGBE : Il importe en outre de briser les stéréotypes, car au sein des foyers, dès le plus jeune âge, les filles et les garçons devraient avoir le droit d’aller jouer au ballon, tout en étant aptes à manier l’art culinaire. L’époque où le garçon s’adonne aux billes tandis que la fille se trouve confinée aux corvées domestiques est révolue. Dans certains foyers, c’est la fille qui se rend au puits tandis que le garçon, revenu tout souillé de son divertissement, use de cette eau pour se purifier. Il est impératif de mettre un terme à ces injustices dès le plus jeune âge.

Le mot de fin

Kayi DOGBE : N’abandonnez point, car tout vous appartient. Vous détenez le pouvoir absolu. Persévérez dans vos aspirations, n’accordez pas d’oreille à ceux qui vous susurreront que votre réussite est inaccessible. On parvient toujours à triompher lorsque l’on est animé par la foi, la détermination et l’humilité.

L’intégralité de l’interview ci-dessous :

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